Ils nous proposent souvent des ouvrages très chiants (avec une perspective intellectuelle littéraire post-moderniste qui n'a souvent rien à voir avec la BD). Mais il leur arrive aussi de nous proposer des truc géniaux (gasp!).
En travaillant sur un essai bibliographique pour une possible thèse de maîtrise (eh oui, je ferai partie de ces universitaires), je suis tombée sur ce livre très chouette intitulé
Mythe et bande dessinée (Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2006) qui propose des analyses tout en étudiant un corpus BD très varié et surtout très moderne (Hugo Pratt, Jodo, Le Chat du Rabbin de Sfar, Hayao Miyazaki, Régis Loisel, Benoît Peeters, etc.)
Perso, je recommande trois articles en particulier. Le premier est une analyse du motif du singe dans
Dragon Ball. Bien que le sujet de la recherche (le motif du singe) ne soit pas extraordinaire, c'est surtout le fait que quelqu'un se soit penché sur
Dragon Ball qui m'ait impressionné. J'ai souvent vu des recherches sur
Tintin (il y en a d'ailleurs beaucoup trop) et sur
Astérix, voire sur Enki Bilal mais c'est la première fois que je trouve un article universitaire sur
Dragon Ball, une BD qui, selon moi, est d'un tout autre registre. Alors chapeau à Subvilay Bounthavy de l'Université de Paris III pour avoir osé nous présenter "Dragon Ball, du Roi des Singes au Super-guerrier".
Le deuxième article qui a attiré mon attention est consacré à la construction mythologique norroise dans
Thorgal et s'intitutle "Thorgal: Hercule norrois de l'
heroic fantasy?". En avril dernier, j'ai rédigé un travail universitaire pour un cours d'anthropologie littéraire qui portait sur les motifs mythologiques et anthropologiques dans
Thorgal. Je dois dire que si j'avais eu ce livre sous la main à l'époque, ça aurait rendu ma recherche beaucoup plus facile car il s'agit plus ou moins de la même approche.
Cependant, l'article qui m'a le plus impressionné est "L'assassin comme mythe moderne:
From Hell d'Alan Moore et Eddie Campbell". Pour avoir lu
From Hell et avoir trouvé cette BD absolument géniale (ce qui confirme, encore une fois, qu'Alan Moore est un dieu vivant de la bande dessinée), je trouve que cet article dresse un portrait très précis et complet d'un graphic novel aussi complexe. N'oublions pas que
From Hell est une vrai brique littéraire et que la psychologie des personnages est très développée. Il s'agit également d'un portrait cru mais réaliste de la situation des prostituées de Whitechapel à l'époque victorienne (et l'auteur de l'article a raison de qualifier
From Hell de "livre féministe", même s'il est écrit par deux hommes).
From Hell, c'est également une tentative de cristalliser une tourbillon médiatique sensationnaliste, ainsi qu'une série de théories autour de Jack the Ripper, et l'article réussit à saisir et présenter toutes ces composantes du livre. Bref, l'universitaire derrière cette réflexion, Antonio Bellestros, propose une analyse intelligente qui ne décevra pas les lecteurs de Moore.